Qu'ont en commun David Beckham, Howard Hughes et ma mère? Des TOC, ces troubles obsessionnels-compulsifs qui pourrissent la vie un peu, beaucoup, passionnément.
Prenez le célèbre footballeur anglais. Il doit toujours placer les objets en ligne droite. Et chez lui ou à l'hôtel, tout doit aller par paires. «Je mets mes cannettes de Pepsi dans le frigo et s'il y en a un nombre impair, j'en range une ailleurs», a déjà confié Beckham au Daily Express.
L'aviateur et homme d'affaires américain Howard Hughes, lui, était obsédé par les germes. Frotte, frotte, frotte, il se lavait continuellement les mains. Il a d'ailleurs fini ses jours isolé pour se mettre à l'abri des microbes.
Quant à ma mère, je compte souvent en riant le nombre de fois où elle vérifie si la porte de la maison est bien barrée. Une fois. Deux fois. Trois fois. Elle met presque le pied sur le mur pour tirer la poignée. «Tu vas finir par l'arracher!» Quatre, cinq, six, sept fois. Bon, la tension tombe, c'est bien fermé. Elle me rejoint avec son petit sourire en coin, sachant très bien que tout ce manège n'a rien de logique. Mais c'est plus fort qu'elle.
«Est-ce que je peux aussi parler du grille-pain?» Elle me répond par un soupir. Tous les soirs, elle débranche le grille-pain et la cafetière. Et elle vérifie la cuisinière. Dans son rituel, elle compte même les boutons, m'a-t-elle révélé cette semaine.
Quand je suis partie en appartement, j'avais ce réflexe de débrancher les petits appareils électroménagers avant d'aller me coucher. Les TOC s'enseignent par les parents, paraît-il. Ça m'est vite passé. Maman est rassurée.
Cette maladie touche environ 3 % de la population, autant les hommes que les femmes. Sur le site du ministère de la Santé et des Services sociaux, il est écrit qu'elle se présente généralement au début de l'âge adulte, mais peut aussi toucher les enfants dès l'âge de deux ans.
La cause des TOC n'est pas claire. Il est question de perturbation de l'équilibre des neurotransmetteurs, de «vulnérabilité biologique», d'une combinaison de facteurs environnementaux, cognitifs, interpersonnels...
Quand on parle de TOC, il faut d'abord distinguer obsession et compulsion, me dit le psychologue Christian Houde. L'obsession est une pensée ou une image involontaire, pénible à vivre et qui provoque de l'anxiété. «Tous les gens ont des obsessions. Le problème, c'est lorsque la compulsion arrive.» La personne passe alors à l'action, à un comportement répétitif et stéréotypé, genre de rituel qu'elle doit absolument accomplir pour diminuer l'anxiété liée à ses pensées obsédantes.
Les thèmes des obsessions sont généralement la saleté, la contamination, le désordre, la peur d'être responsable d'une catastrophe (vol, incendie) ou de la mort de quelqu'un. En réponse, les compulsions tournent habituellement autour de quatre actions : nettoyer, mettre en ordre, vérifier et compter.
Tous les scénarios sont alors possibles. À la maison comme en dehors.
Il y a les maniaques de Purell. Ceux qui ouvrent les poignées de porte avec la manche de leur chandail ou qui se lavent ensuite frénétiquement les mains. Les redresseurs de cadres. Ceux qui ne peuvent supporter que les tasses ne soient pas bien alignées dans les armoires. Ou que les étiquettes des boîtes de conserve ne soient pas tournées vers eux. Entendu aussi quelqu'un qui classait tous ses livres en ordre alphabétique dans sa bibliothèque et gare à ceux qui osaient en replacer un de travers.
«Les gens consultent uniquement quand il y a un dysfonctionnement professionnel, social ou conjugal», analyse Christian Houde.
Les précautions de ma mère, c'est de la petite bière. Je plains ces gens qui prennent trois heures avant de quitter la maison pour faire cinq fois leur rituel de vérification. Comment aller porter les enfants à la garderie et arriver à l'heure au bureau dans ces conditions? Comment ne pas avoir de prises de bec avec son conjoint ou son patron? Le gros problème, c'est que la compulsion entretient l'obsession. Plus je vérifie la porte, plus j'ai peur d'oublier, souligne Christian Houde.Son traitement? S'habituer à l'anxiété. «Ce que l'on fuit nous suit et ce à quoi l'on fait face s'efface. Si tu ne fais pas face à ton anxiété, elle va te suivre toute ta vie.» Graduellement, il faut donc s'exposer.
Exemple, on vérifie la porte une fois, ce qui est tout à fait normal. Puis quand arrive la fameuse question : «Est-ce que j'ai bien barré [qui sous-entend que si je n'ai pas barré, il y aura un malheur et que ce sera de ma faute - il y a souvent un sentiment de culpabilité chez les gens qui souffrent de TOC]?» on se dit, OK, ce coup-ci, je vais attendre 10 minutes avant de vérifier. On essaie de respirer pour contrôler les bouffées de chaleur qui montent, qui montent, qui montent...
Signe encourageant : «L'anxiété finit toujours par baisser», dit le spécialiste. Ultimement, il ne faut pas viser l'arrêt des compulsions, mais une diminution pour être fonctionnel et récupérer des heures de vie précieuses.
Avis aux intéressés, lu que le sport et le sexe auraient un effet apaisant. Ah oui! Lu aussi que malgré sa bizarrerie, ce trouble est parfois associé à une intelligence supérieure à la moyenne.
Maman, je t'aime malgré tes TOC.